Se former, s'informer, s'entourer...

Annabelle Vêques «Créer des postes de kinésithérapeutes coordonnateurs pour prévenir la perte d'autonomie»

Sophie Conrard
Kiné actualité n° 1619 - 10/11/2022

Sous le slogan "Les vieux méritent mieux !", la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) communique en ce moment autour d'une dizaine de propositions à mettre en place d'urgence pour améliorer la situation. Parmi ces mesures, la création de postes de kinésithérapeutes coordonnateurs, pour aider à prévenir la perte d'autonomie chez les résidents. Entretien avec la directrice de la Fnadepa, Annabelle Vêques.



Kiné actualité : Vous proposez entre autres une mesure qui a retenu notre attention : “expérimenter dans quelques territoires le déploiement de masseurs-kinésithérapeutes coordonnateurs pour organiser les dispositifs de prévention de la perte d’autonomie de chaque résident”. Comment est née cette idée ?

Annabelle Vêques : C’est une idée de la FFMKR (Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs), avec laquelle nous travaillons depuis de nombreuses années sur la place des kinésithérapeutes dans le parcours de soins des personnes âgées. Nous la trouvons très pertinente, c’est pourquoi nous proposons de l’expérimenter.

Aujourd’hui, dans les Ehpad, on a besoin de fidéliser les professionnels, dont les kinésithérapeutes, et de redonner de l’attractivité à leurs métiers. Nous y avons travaillé avec les médecins coordinateurs, et c’est une piste qui pourrait être appliquée à votre profession.

Nous espérions voir cette mesure (et d’autres) reprises dans le PLFSS pour 2022 mais ce n’est pas le cas. Il revient aux pouvoirs publics de s’en emparer.

Quels seraient leur rôle, leurs missions ?
La fiche de poste détaillée serait à discuter avec eux, le moment venu (lire l’encadré ci-dessous).

Dans l’idéal, ces kinésithérapeutes coordonnateurs devraient-ils être salariés des Ehpad ou libéraux ?
Nous n’avons pas d’idée arrêtée sur le sujet. Ce que je peux vous dire, c’est que chez les médecins coordonnateurs, les 2 existent. Certains exercent à temps plein dans un Ehpad, d’autres conservent une activité salariée. Je suggère de regarder ce qui fonctionne et de pas être trop rigide sur ce point.

Comment leur travail s’articulerait-il avec celui des médecins coordonnateurs ?
Ce n’est pas le même métier. L’un et l’autre seraient complémentaires, il ne s’agit surtout pas de remplacer les uns par les autres ! Le rôle du kinésithérapeute coordonnateur concerne la prévention de la perte d’autonomie et le maintien de l’autonomie physique des résidents. Les expérimentations que nous appelons de nos vœux doivent démontrer que cela contribue à améliorer leur prise en charge.

Bien entendu, ils ne pourront être efficaces que si les autres postes sont pourvus : il faut des ergothérapeutes, des psychomotriciens, des aides-soignantes, etc. en nombre suffisant.

La Fnadepa plaide par ailleurs pour développer l’activité physique adaptée (APA) au sein des Ehpad. Êtes-vous favorable à ce qu’elle soit dispensée par un kinésithérapeute ?
En effet, nous proposons de créer dans les Ehpad des postes de professionnels de l’APA à mi-temps. Nous avons constaté que les résidents à qui on propose régulièrement de l’APA ont bien mieux résisté à la crise sanitaire que ceux qui n’en font jamais. Par ailleurs, tout le monde sait (la littérature sur le sujet est abondante) combien l’APA est essentielle pour les personnes âgées.

Mais en pratique, les situations sont très hétérogènes : certains établissements ne proposent aucune APA, d’autres en prévoient 1h par semaine, certains le financent sur leurs fonds propres, d’autres puisent dans les caisses de retraite… En gros, c’est selon le bon vouloir et l’intuition de la direction, ce que je trouve dommage.

Le seul point auquel nous tenons, c’est qu’on propose de l’APA en Ehpad. Qu’elle soit dispensée par un kinésithérapeute ou un professionnel de l’APA, c’est à eux de voir. Si un kinésithérapeute a le temps d’en faire, tant mieux ! Mais la plupart du temps, ils sont déjà débordés par ailleurs. En tout cas, il n’est pas question de “déshabiller Pierre pour habiller Paul”.

Ces professionnels de l’APA doivent-ils être salariés des Ehpad ?
La Fnadepa propose de créer un poste de salarié à mi-temps, afin que les choses soient claires pour tout le monde. Il faut savoir que dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, un texte de mars 2022, émanant du ministère des Sports, impose à chaque Ehpad d’avoir un référent APA, suggérant qu’on donne ce rôle à un professionnel déjà salarié de l’établissement, quitte à le former pour qu’il puisse assurer cette fonction. C’est absurde ! Il existe des gens dont c’est le métier : pourquoi ne pas faire appel à eux ? Sans compter que tous les professionnels qui interviennent en Ehpad sont déjà débordés. Quelles tâches devront-ils laisser tomber pour assurer celle-ci ?

Nous avons manifesté notre opposition à ce texte mais nous allons devoir faire avec.

Le gouvernement entend généraliser les Ehpad à tarif global en 2024. Comment envisagez-vous cette mesure ?
Nous la voyons arriver d’un très bon œil ! Cela fait des années que nous le proposons aux établissements qui le souhaitent, mais l’enveloppe disponible était trop basse. Nous sommes donc satisfaits que le gouvernement ait accepté de dégeler les tarifs.

Nous sommes favorables à la généralisation du tarif global parce que nous savons que c’est plus efficient pour les résidents, pour les professionnels et pour les finances publiques. Mais nous sommes conscients que cela ne se fera pas en un clin d’œil, en raison notamment des lourdeurs administratives auxquelles seront confrontés les établissements. Précisons aussi que ceux qui le souhaitent pourront rester au tarif partiel.

© D.R.

Commentaires :

Déposer un avis (vous devez être connecté) Soumettre
Tous les articles
Nous vous suggérons aussi...