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Prise en charge des troubles du comportement alimentaire : vous pouvez jouer un rôle déterminant

Sophie Conrard
- 21 février 2020

L'INK propose les 20 et 21 mars une nouvelle formation sur le rôle du masseur-kinésithérapeute dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire. Très peu sont à ce jour formés et sensibilisés à ces problématiques. Explications avec Nicole Gratier de Saint-Louis, masseur-kinésithérapeute, qui a 15 ans d'expérience sur le sujet et animera cette formation avec Aude Rigoir-Louvel, diététicienne nutritionniste.



Kiné actualité : Pourquoi avez-vous mis au point cette formation ?

Nicole Gratier de Saint Louis : Les pathologies en lien avec les troubles des conduites alimentaires génèrent d’importants retentissements sur la santé physique et psychique des patient(e)s et sont en augmentation constante.  Cette situation induit des besoins croissants de thérapeutes formés aux spécificités de ces prises en charge afin de répondre aux besoins de soins. Le kinésithérapeute, par son action privilégiée sur le corps, peut occuper une place essentielle dans ces prises en charge. Pour ces patients qui, au mieux, ignorent leur dimension corporelle, voire la rejettent, il est essentiel de recréer du lien, de la présence, de la conscience corporelle. Notre formation initiale nous permet d’être de plus en plus précis pour cibler l’appareil locomoteur, mais il manque à notre cursus des notions de psychopathologie essentielles pour aborder ces patients particuliers.

En quoi les kinésithérapeutes sont-ils concernés par la prise en charge des troubles du comportement alimentaire ? Comment peuvent-ils s'impliquer ?

À cause du déficit de connexion au corps, du manque de conscience corporelle, des fluctuations de poids et d'une hyperactivité physique fréquente, ces patients ont besoin d’être aidés à retrouver un rapport à eux même plus respectueux et bienveillant. En tant qu’acteurs du soin du corps, nous pouvons les aider à réinvestir différemment sensations et perceptions, bien-être précurseur d’une réconciliation avec ce corps qui est le leur. Notre intervention diffèrera selon le stade de la maladie et de la prise en charge : encadrement d’un retour vers une activité physique, accompagnement d’une reprise de poids, aide à la réappropriation d’un corps mal aimé.

Aviez-vous déjà formé des kinésithérapeutes ?

Je réalise régulièrement des formations en centre hospitalier ou associatif afin de transmettre aux soignants des outils pour aborder ce rapport au corps de façon créative, ludique et travaillant à la fois avec le corps et en amont de la problématique du corps (confiance en soi, gestion du stress, bien être). Cette formation est la première dédiée exclusivement aux kinésithérapeutes, et cela m’enthousiasme.

Y a-t-il un profil-type parmi les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire ? Par exemple, s'agit-il surtout de jeunes femmes, comme on pourrait le croire ?

Il n’existe pas de profil type. L’image d’Épinal de la jeune fille victime des diktats des réseaux sociaux est bien sûr très présente, mais pas seulement : il y a des enfants, des adolescents, des adultes, principalement des femmes mais pas uniquement. On retrouve cependant souvent un terreau commun sur lequel a grandi le trouble des conduites alimentaires : ce sont des personnes fragilisées par un déficit d’estime de soi, très exigeantes avec elles-même, toujours dans le contrôle, avec une difficulté à accueillir les émotions… Et dans ce contexte, survient un élément catalyseur du trouble : une réflexion sur l’apparence physique, un éloignement du foyer familial pour poursuivre des études, une rupture sentimentale…

À quels signes le kinésithérapeute doit-il être attentif ?

Toutes ces personnes ne présentent pas une maigreur évidente. Certaines (surtout des femmes) ont un poids ou un IMC normal ou sub-normal, mais peuvent voir leurs journées entrecoupées de plusieurs crises de boulimie. Des allusions fréquentes, voire obsessionnelles au rapport au corps, à la nourriture ou à l’apparence physique peuvent nous aider à repérer les premiers symptômes d’un TCA ; et d’autres signes qu’il est nécessaire de connaître afin de ne pas passer à côté d’un trouble.

La prise en charge des troubles du comportement alimentaire est pluridisciplinaire. Comment le kinésithérapeute s'inscrit-il dans l'équipe autour du patient ?

Idéalement, la prise en charge est triple et associe psychothérapie, suivi nutritionnel ou diététique, et thérapie corporelle. Cette dernière intervient parfois dès le début de la prise en charge, mais peut aussi ne pas pouvoir être installée en première intention. Il s’agit dans tous les cas d’un réel travail d’équipe passionnant et pluridisciplinaire. Dans une structure hospitalière, le patient peut rencontrer d'autres professionnels : ergothérapeute, psychomotricien(ne), art-thérapeute… De nombreux ateliers peuvent être proposés dans ce cadre. En pratique de ville, c’est le kinésithérapeute qui est un acteur essentiel, à condition de connaître les spécificités de ces pathologies afin d’être le plus juste possible dans son accompagnement.

Quant à la durée de ces prises en charge, elle est variable, en fonction de l’antériorité du trouble, des différents acteurs de soins qui interviennent, pouvant aller de quelques mois à plusieurs années.

Pouvez-vous nous donner des éléments sur le bilan MK spécifique aux troubles du comportement alimentaire ?

Au fil de mon expérience, j’ai mis en place un bilan MK spécifique qui permet de faire émerger de nombreuses pistes de travail, tant corporelles que psychocorporelles, respiration, posture, axe, positionnement des ceintures… Et dans ce lien profond qui unit le corps et le psychisme, toute action positive sur une de ces dimensions impactera l’autre.

Quels genres d'outils pourront découvrir les kinésithérapeutes dans le cadre de cette formation ?

En associant à la kinésithérapie certains outils issus de la sophrologie ou de l’hypnose, il est possible de potentialiser l’impact de cette prise en charge.

Cette formation vise à proposer aux kinésithérapeutes une trame de réflexion et d’exercices concrets ainsi que de cas cliniques, pour les aider à cerner les attentes et les besoins du patient, éviter certains écueils, de façon à construire une alliance thérapeutique favorable, et rejoindre le réseau des thérapeutes accueillant en soin des patient atteints d’anorexie et/ou de boulimie.

 

Pour plus d'infos sur cette formation, cliquez ici

© Wild Orchid/Isock/Getty Images Plus

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