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Ces très gros fumeurs appelés «hardcore smokers»

SANTÉ 0
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Étienne André
Kiné actualité n° 1562 - 26/03/2020



De qui parlons-nous ?
Les hardcore smokers (HCS) représentent 5 à 15 % de la population de fumeurs. Ils fument tous les jours et représentent un enjeu important en santé publique car ils ne sont pas sensibles aux campagnes de prévention, ni à l’augmentation des prix. La plupart d’entre eux n’ont pas le projet de s’arrêter [1].

Ils aiment fumer, disent-ils, ce que l’on retrouve chez toutes les personnes addicts.

Le HCS est ainsi caractérisé [1-2] :

- c’est un fumeur d’au moins 15 cig./j (en général beaucoup plus), plus souvent un homme qu’une femme ;
- son score au test de dépendance à la nicotine [3] est élevé (≥ 7) ;
- il fume depuis longtemps, il a en général plus de 25 ans ;
- il n’est pas motivé pour essayer de s’arrêter, même si une symptomatologie liée au tabac (BPCO, cardiopathie) est manifeste ou s’il a bien acquis la connaissance des risques liés à son tabagisme (diabète, neuropathie) ou si son comportement a des conséquences dans sa vie sociale ;
- ses éventuelles précédentes tentatives ont été des échecs et il n’envisage pas (ou plus) d’arrêter ;
- une fragilité psychologique ou une maladie psychiatrique est très souvent présente.

En pratique : les anglais disent “he is unable and unwilling to quit”, et pourtant le moment n’est pas venu de baisser les bras. Ici réside notre 1re tâche, à savoir le faire raconter son histoire de fumeur. L’objectif est de l’aider à mettre tout seul le doigt sur cette forme de comportement dur, voire extrême, en général éloigné de sa personnalité.

Le kinésithérapeute dispose d’atouts pour aider les “hardcore smokers”
Trouver une motivation
En saisissant les opportunités que lui offrent les maladies pulmonaires, cardiovasculaires et neurologiques qu’il soigne chez ces patients, le kinésithérapeute peut les aider à objectiver les bénéfices d’un arrêt du tabac.

En pratique : faire pencher la balance vers le bien-être plutôt que la recherche d’un plaisir immédiat et éphémère.

Déclencher une décision
La régularité des soins chez le kinésithérapeute est une opportunité pour le fumeur de prendre quelques minutes 1 à 2 fois par semaine pour “faire le point” sur les difficultés du sevrage et les signes de manque.

En pratique : positiver sa venue, la rendre constructive sur les plans physique et psychologique en l’aidant à mettre en adéquation son traitement et son comportement.

Le bon traitement de substitution
Le traitement s’appuie sur 2 principes : il doit être personnalisé, donc adapté au gré des entretiens en associant patch et voies orales. Il ne doit pas être sous-dosé. Si des cigarettes persistent, il est probablement utile d’augmenter la dose de patch.

En pratique : la régularité de vos rencontres permet de valider le bon dosage. N’hésitez pas à l’adresser (ou à vous adresser) à un tabacologue qui le (vous) conseillera.

Des personnalités souvent fragiles
Parfois dépressif ou anxieux, parfois avec des maladies psychiatriques confirmées, un HCS mérite d’être rassuré. Dans ce cas, la méthode la plus efficace est la suivante : l’écouter, lui demander de vous parler de lui, de son histoire, de son histoire de fumeur.

En pratique, parce que cela lui a fait du bien de vous parler, vous serez qualifié pour lui conseiller d’aller consulter un tabacologue ou un psychiatre.

À retenir
Le kinésithérapeute est à sa place auprès du fumeur hardcore car il a pour lui le temps du soin, la succession des séances, l’autorité médicale et le contact physique rassurant. Quand vous l’aiderez à s’arrêter, prévenez le sous-dosage et suivez-le régulièrement. Si la fragilité psychiatrique domine, passez la main à un tabacologue ou à un (son) psychiatre.

La bonne posologie commencer par :

- Patch 21 mg + 2nd patch 21, 14 ou 7 mg
- OU Patch 21 mg + 6 à 12 pastilles/j

Poursuivre selon l’évolution du tabagisme par :

- Patch 21 mg puis 14 mg puis 7 mg + à chaque envie, 1 pastille (3 à 12/jour)

Au moins 4 à 6 mois de traitement.

[1] Joly et al. Tobacco Induced Diseases (2016) 14:34, doi 10.1186/s12971-016-0100-0.
[2] West R. Addiction, 2017, 113, 3-4, doi:10.1111/add.14073.
[3] Test de Fagerström.

Par le Dr Étienne André

Prochain article : Journée mondiale sans tabac, le 31 mai 2020, sur la prévention chez les jeunes et en particulier leur protection face aux manipulations de l’industrie du tabac.

© Pascal kiszon/Istock/Getty images Plus

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