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Assises nationales des soins en Ehpad :
De la bonne utilisation des ressources humaines

Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, a été convaincue par le discours de Sébastien Guérard, président de la FFMKR.

Sophie Conrard
Kiné actualité n° 1651 - 04/04/2024

Les 19 et 20 mars étaient organisées à Paris les Assises nationales des soins en Ehpad. Parmi les sujets évoqués, la fin de vie, la future loi grand âge ou encore l'évolution des frontières des métiers de ceux qui interviennent dans ces établissements.

Hasard du calendrier : cet événement s’est ouvert “le jour où les députés s’apprêtaient à voter la proposition de loi sur le bien vieillir”. Un texte “qui ne va pas nous changer la vie”, a relativisé Luc Broussy, directeur de Planète Grise, le think tank qui organisait ces assises [1], dans son discours inaugural, qui espère plutôt “une vraie loi sur le grand âge d’ici la fin de l’année”.

Après lui était invitée à prendre la parole Nathalie Salles, présidente de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), qui a proposé un billet d’humeur. Elle a d’abord évoqué le projet de loi sur la fin de vie, qui la choque profondément, comme la majorité des personnes présentes ce jour-là, semble-t-il. “Comment une société évoluée peut-elle accepter de donner la mort ? Comment peut-on donner à quelqu’un le droit de donner la mort, dans une démocratie ? Ce projet de loi n’est pas digne de notre République. Les soignants sont d’accord pour donner des médicaments antidouleur mais pas pour donner la mort. On sait accompagner les gens jusqu’à la mort. Le problème, c’est qu’on n’a pas les moyens de travailler correctement. L’accès aux soins palliatifs est très insuffisant. On répond à peine à 50 % des besoins”, a-t-elle insisté.

Poursuivant avec des questions d’ordre éthique, Nathalie Salles a évoqué les difficultés d’accès aux soins en Ehpad, qui doivent être réglées d’urgence étant donné le contexte démographique actuel, et invité à un débat sur l’Ehpad du futur : “Je rêve d’un modèle où le personnel est formé et en nombre suffisant pour pouvoir répondre aux besoins des résidents, qui ne sera pas nécessairement un modèle unique imposé dans toute la France mais pourra être adapté selon les spécificités locales”, a-t-elle lancé. “Vieillir en santé est un enjeu sociétal prioritaire.

Il va falloir qu’on y mette les moyens. Le grand âge, c’est notre avenir à tous.”

Selon elle, “les problèmes ont été identifiés et on connaît les solutions : pour éviter les hospitalisations inutiles, il faut généraliser les hotlines gériatriques ; pour déployer la prévention, développer le programme Icope, qui fonctionne très bien, grâce à des financements appropriés ; les métiers du grand âge doivent être plus attractifs ; les personnes âgées doivent être réinsérées dans la société, à l’école par exemple ; il faut développer leur accès au numérique, améliorer les droits des aidants, créer un institut national du vieillissement qui fédèrera tous les acteurs du secteur”, a énuméré la présidente de la SFGG.

Damien Olivon, délégué de la FFMKR chargé de la promotion du kinésithérapeute coordonnateur,
de l’autonomie et du bien-vieillir, participait à une table ronde sur l’évolution des métiers en Ehpad.

Le rôle du kinésithérapeute coordonnateur
Infirmière en pratique avancée, kinésithérapeute coordonnateur : l’émergence de ces nouvelles professions va-t-elle rendre les métiers du soin en Ehpad plus attractifs ? Pour la plupart des participants dans la salle, la réponse est oui. Les premiers kinésithérapeutes coordonnateurs ont pris leurs postes il y a un an environ. Ils manquent encore de visibilité. Mais pour eux comme pour les établissements qui les emploient, le résultat est convaincant. “Étant donné le nombre d’intervenants en Ehpad, on a besoin d’un expert des troubles fonctionnels pour les coordonner, pour éviter les trous dans la raquette ou au contraire les redondances au niveau des soins pratiqués. Un expert qui ne confonde pas rééducation et réadaptation, qui travaille main dans la main avec le médecin coordonnateur et l’infirmière de coordination”, a expliqué Damien Olivon, délégué de la FFMKR chargé de la promotion du kinésithérapeute coordonnateur, de l’autonomie et du bien-vieillir, lors d’une table ronde sur l’évolution des métiers en Ehpad. Il a aussi invité à développer la prévention en Ehpad, trop rarement pratiquée, qu’il s’agisse des troubles de la continence ou de l’autonomie fonctionnelle des résidents. “Le kinésithérapeute coordonnateur est là aussi pour sensibiliser les familles et les soignants aux besoin des résidents, afin qu’ils sollicitent au maximum les capacités de ces derniers, au quotidien.”

Optimiser les ressources humaines
Lors des assises, les représentants des orthophonistes et des kinésithérapeutes ont eu également l’occasion de défendre la reconnaissance de leurs missions en Ehpad. “Nous partageons le constat qu’il y a un souci majeur d’attractivité pour le travail dans ces établissements, toutes professions confondues”, a déclaré Sébastien Guérard, président de la FFMKR. C’est lié à la fois au financement, à la formation, mais aussi à l’utilisation des ressources humaines : “Je suis catastrophé de voir à quel point les kinésithérapeutes sont mal utilisés dans les Ehpad. Ils sont pourtant les acteurs de l’évaluation des troubles fonctionnels, ceux qui savent au mieux utiliser les capacités fonctionnelles des résidents.” Or mieux utiliser ces capacités, “c’est économiser du temps de soin”, a-t-il fait valoir. Il a aussi regretté que si le résident en Ehpad “est extrêmement bien évalué quand il rentre” dans l’établissement, il n’a pas droit à une nouvelle évaluation fonctionnelle lorsqu’il est hospitalisé plusieurs jours.

“L’image qu’on a du kinésithérapeute” dans un Ehpad, c’est “celui qui se promène avec Mamie sous le bras dans le couloir”. Mais ce rôle de “marcho-thérapeute, aucun autre soignant n’est capable” de le remplir, selon le président de la FFMKR.

Sébastien Guérard a également évoqué la sinistralité en matière d’accidents du travail chez les aides-soignants et infirmiers en Ehpad, “qui n’ont jamais été formés par les kinésithérapeutes à la manipulation des résidents”.

Dans ce contexte, il existe “une demande forte de reconnaître le statut de kinésithérapeute coordonnateur” des actions de rééducation et de réadaptation en Ehpad. La future loi grand âge serait selon lui l’occasion de reposer “le cadre du périmètre socle du cœur de métier des professionnels de santé. Il va falloir se poser la question de comment on utilise le mieux possible la ressource de chacune de nos professions et du bon intervenant, au bon moment pour le patient”.

Une autre demande de la Fédération est “de donner la possibilité aux kinésithérapeutes de prescrire en primo-intention les soins d’activité physique adaptée (Apa)”.

Chargée de clôturer les assises, Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, a jugé le discours de Sébastien Guérard “tout à fait cohérent” sur l’utilisation des ressources humaines. “Nous allons prendre rendez-vous”, s’est-elle engagée.

[1] Ce “think tank” réunit les principaux acteurs du secteur de l’accueil et l’accompagnement de la personne âgée pour être force de proposition sur les grands sujets liés au vieillissement. Il organise chaque année en mars les Assises nationales des soins en Ehpad. Homme politique, Luc Broussy est un spécialiste des questions liées au vieillissement. Il est notamment l’auteur d’un rapport intitulé “10 mesures pour adapter la société française au vieillissement” (Dunod, 2015).

© S. Conrard
© D.R.

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