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Que peuvent apporter les patients aux professionnels de santé et à leurs pairs ?

Ève Gardien, Samir Boudrahem
Kinésithér Scient 2022,0644:01 - 10/07/2022

Le patient est souvent considéré comme un consommateur de soins. Pourtant, il n’est pas uniquement cela, pas plus qu’il n’est un simple malade pris en charge. Le patient est un acteur essentiel du soin. Depuis les années 2000 en France, les orientations des politiques publiques (Loi 2002, loi HPST, Loi Santé, etc.), les activités de divers acteurs institutionnels (dont la HAS), professionnels engagés ou associations de patients valorisent et facilitent l’engagement des patients en santé.

Dans le cadre de l’appel à une démocratie sanitaire, la loi du 4 mars 2002 a instauré de nouveaux droits, rôles et responsabilités du patient. Cette loi impulse une double implication du patient. À un niveau individuel, chaque patient a le droit à une information complète et de qualité sur son état de santé et à connaître les options diagnostiques et thérapeutiques à disposition, afin de pouvoir exercer de façon éclairée son droit à consentir ou au contraire à rejeter un examen médical ou encore un traitement.

Au niveau collectif, la loi 2002 a créé le statut de représentant des usagers. Ces représentants sont membres d’associations agréées de patients et est mandaté dans ce cadre pour porter une perspective transverse élaborée collectivement entre patients dans diverses instances du secteur sanitaire ou des territoires. Le représentant des usagers peut aussi exercer des fonctions d’observation, de recueil d’information sur les pratiques et le fonctionnement, de médiation, contribuer à la définition des politiques de santé, prévenir les évènements indésirables ou encore lutter pour l’effectivité des droits des patients.

L’empan d’action légiféré pour les patients au sein du système de santé est donc vaste. Les instances de consultation, information, co-construction, se multiplient : Commission des Usagers (CDU), Conseil de surveillance (CS), Commission médicale d'établissement (CME), Comité technique d'établissement (CTE), Comité de développement durable, Comité d'éthique, Comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN), Comité du médicament et dispositifs médicaux (CMDMS), mais aussi Conseil locaux de santé (CLS), Conseils Locaux de santé mentale (CLSM), Maison des usagers, Conférence Régionale de Santé et de l’Autonomie (CRSA), Ateliers Santé Ville, Contrats Territoriaux de Santé, Projet Régional de santé, Projet Territorial de Santé Mentale, etc. Cette liste est loin d’être exhaustive.

En outre, d’autres types d’engagements des patients se développent : le « patient-expert » participe à l’Education Thérapeutique du Patient (loi HPST), le « patient ressources » soutient divers dispositifs par ses contributions et facilite leur constitution et leur mise en œuvre, le « patient partenaire » s’implique là où des professionnels ou des institutions le sollicitent, le « pair-aidant » ou le « médiateur de santé pair » soutient d’autres personnes traversant des épreuves de santé mentale et partage ses savoirs expérientiels, le « patient-enseignant » ou le « patient formateur » participe à dispenser des contenus dans les universités de médecine, les formations paramédicales, etc. Sans compter le récent développement de la participation aux soins dans un cadre collectif au sein des établissements et services de médecine physique et de réadaptation, à l’initiative des soignants, et faisant la part belle au soutien informel entre patients.

La participation des patients au système de santé n’est donc pas une tendance marginale mais un vrai courant de fond (Bousquet, Ghadi, 2017 ; Routelous, 2008). Ma santé 2022, les nouvelles modalités de certification des établissements de santé, les recommandations de la HAS sur l’engagement des usagers dans les secteurs d’activité du soin, du social et du médico-social modifieront probablement en profondeur le système de soins français.

Ce deuxième numéro poursuit les réflexions concernant les changements de posture professionnelle induits par une autre considération accordée au patient.

Nous reprenons la réflexion là où elle avait été laissée avec le propos de Samir Boudrahem, masseur-kinésithérapeute et cadre formateur à l’ISTR Lyon 1. À partir de l’analyse du matériau recueilli lors d’une enquête ethnographique sur un programme de réadaptation après cancer du sein, il nous montre comment des professionnels de santé ont amélioré leur offre de soins, tant dans les objectifs que dans les modalités pratique, en se basant sur les retours des patientes participantes. De plus, Samir Boudrahem apportera un éclairage sur la considération accordée par ses professionnels aux relations de soutien entre pairs, sur l’intérêt de ses échanges entre patientes concernant leurs expériences et leurs savoirs expérientiels.

Annabelle Roulin, Guillaume Damuseau, David Levoyer et Pascal Gillot ont écrit à plusieurs mains un article réflexif sur le changement de posture d’une équipe de professionnels en santé mentale avec l’accueil en leur sein d’un nouveau collaborateur : un patient. Lire cet article permet de comprendre les changements de représentations qui se sont opérés de part et d’autre, également les apports de cette expérience à toutes les parties prenantes : les patients, le nouveau collaborateur et l’équipe soignante.

L’article suivant est celui d’un médecin exerçant en libéral. Rodolphe Charles apporte ses réflexions sur des questions aussi cruciales que : la décision partagée doit-elle remplacer la médecine paternaliste ? Ou encore : Que faire en cas de désaccord entre le praticien et le patient ? Il propose en dernier lieu sa perspective des collaborations patients-soignants en soins primaires.

Enfin, partant de son expérience de formatrice en formation continue, Carole Grimault analyse comment et en quoi une collaboration avec une personne ayant une déficience intellectuelle l’a amenée à remanier de façon fort pertinente son approche pédagogique. Dans l’expérience de l’auteure, l’apport de la personne usagère a très concrètement amélioré et de manière significative sa pratique professionnelle.

Les deux articles suivants apportent leur pierre à l’édifice avec des contributions visant plus directement des moyens d’agir. Le premier a été rédigé par Clarisse Métayer, juriste de formation et responsable des relations avec les usagers pour un établissement hospitalier. Elle y présente différents outils et dispositifs existants, mais parfois ignorés, permettant de mettre en œuvre de façon plus satisfaisante et adaptée aux situations une contribution des patients au système de soin.

Dans le second article, Alexandre Berkesse, Nolwenn Tourniaire, Amélie Larget et Pascal Jarno abordent la question de la contribution des patients à la formation professionnelle initiale et continue des professionnels de santé. Ils argumentent les raisons d’impliquer des patients, la spécificité de leurs contributions et leurs différents apports possibles à chaque étape de formation.

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