Se former, s'informer, s'entourer...

Sous le signe de la plasticié

Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2014,0554:01 - 10/05/2014

Dans son Essai sur les métamorphoses de la médecine et de l’homme1, le Pr Jean Hamburger montre comment la mutation des connaissances éclaire d’un jour nouveau l’image du corps humain et transforme notre pouvoir d’agir sur les pathologies. Il introduit ce concept en imaginant les interrogations d’un amateur de mythologie qui, s’étant endormi 460 ans avant J.-C., se réveille au cours d’une époque récente. Les progrès scientifiques, techniques et le recul des maladies, favorisant le bien-être et un meilleur niveau de vie, ne font que l’émerveiller. Mais découvrant que l’homme du 20e siècle conserve des inquiétudes sourdes face à certaines conséquences inhumaines engendrées par le progrès, le penseur grec conclue que nous utilisons finalement bien mal le fruit de notre intelligence.

La connaissance que l’on acquiert dans le domaine des neurosciences et de la plasticité cérébrale ferait changer d’avis notre tragédien ; les modèles expérimentaux, l’informatique et les sciences numériques, issues de l’intelligence humaine, la servent.

On connaît le potentiel de plasticité des connexions synaptiques cérébrales. Le masseur-kinésithérapeute y concourt en permettant au patient de développer ses propres stratégies, face à des situations de rééducation enrichissant son expérience. Les progrès constatés et vécus ne sont couramment quantifiés que sur le plan fonctionnel, les conditions physiopathogiques de l’organe cérébral étant presque toujours découplées.

Des modèles personnalisés neuroscientifiques vont, à terme, assister la pratique clinique, améliorant la compréhension de la lésion, enrichissant alors le diagnostic. On le doit au Pr Nicholas Ayache, spécialiste de l’analyse et de la simulation des images médicales numériques, qui vient d’être nommé titulaire de la chaire «Informatique et Sciences numériques» au Collège de France. Il a conçu une analyse automatisée des informations d’imagerie collectées pour un patient spécifique, leur interprétation devenant plus fine. Le patient numérique virtuel personnalisé est né. « L’imagerie médicale computationnelle », véritable microscope informatique, quantifie, par exemple, la variabilité de la forme du cortex cérébral ; l’évolution statistique de la forme anatomique étant alors étudiée, elle permet de révéler des informations qui seront cliniquement pertinentes.

Simuler l’évolution d’une pathologie au moment du diagnostic ou l’effet d’une thérapeutique ne pourra qu’influencer favorablement le traitement.

Le masseur-kinésithérapeute sait qu’il participe à la modification de l’organisation du cerveau du patient cérébro-lésé, mais dans quelle mesure ? Ces techniques d’imagerie utilisant des modèles numériques laissent entrevoir qu’un jour, l’effet de la rééducation sur la plasticité cérébrale sera quantifiable.

Ces concepts nouveaux, qui nous donnent confiance en l’avenir, ont-ils été inspirés de la mythologie grecque ?


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