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Damien Olivon
«Il est temps que la profession investisse concrètement le grand âge»

Alexandra PICARD
Kiné actualité n° 1562 - 26/03/2020

Élu au poste de secrétaire général en charge du grand âge et de l'autonomie, créé en janvier par la FFMKR, Damien Olivon explique pourquoi les kinésithérapeutes doivent s'investir dans ce domaine.



Kiné actualité : Depuis combien de temps êtes-vous kinésithérapeute et pourquoi avoir décidé de rejoindre la FFMKR ?

Damien Olivon : Diplômé de l’IFMK de Toulouse en 2004, j’ai débuté ma carrière en faisant des remplacements. Cela m’a permis de cerner ce qui me plaisait dans les méthodes de travail de mes confrères, et dans les formations que je pouvais envisager. En 2007, j’ai décidé de créer mon cabinet libéral, sans pour autant délaisser les remplacements. C’est ce qui m’a ouvert la voie du salariat. Le directeur du SSR La Clauze, qui faisait jusque-là appel au service d’un kinésithérapeute libéral que je remplaçais lors de ses vacances, a décidé un jour d’embaucher un salarié. Si dans un premier temps j’ai refusé ce poste, j’ai fini par l’accepter car on me proposait des projets intéressants.

J’ai donc rapidement travaillé en transversalité : activité libérale et salariée, en milieu urbain et rural, en gériatrie et généraliste, en m’appuyant sur mes formations (en particulier en rééducation posturale globale) orientées thérapie manuelle et rhumatologie.

Par ailleurs, dès mes débuts en libéral, j’ai participé à des soirées professionnelles organisées par la FFMKR.

Il s’agissait du seul organisme qui proposait ce genre d’événements dans mon département. Des rendez-vous que j’appréciais, car j’y trouvais des informations pratiques. Mais c’est par le biais du réseau bronchiolite dont je suis membre que je me suis davantage investi, les membres du réseau étant eux-mêmes adhérents à la Fédération. Si je ne suis pas très “politique” dans l’âme, ce qui m’a séduit, ce sont les actions de terrain qu’on pouvait mener au niveau du département. J’ai débuté au syndicat FFMKR-31 en tant que secrétaire, avant d’être vice-président, puis président.

En quoi la FFMKR est utile à la profession et aux kinésithérapeutes sur le terrain ?
L’atout majeur de la Fédération, c’est d’être un réseau de professionnels. Être unis, travailler ensemble permet d’être plus forts. À titre personnel, cela m’a particulièrement aidé lorsque j’ai voulu bénéficier de formations, car j’ai pu rencontrer des confrères avec des parcours, des spécialités différentes, disposer d’un carnet d’adresses plus large. Ces différents échanges m’ont également permis de monter des projets, comme la semaine du parcours de soins de la personne âgée [1], et plus récemment de créer l’ANPPS (Association nationale pour la promotion du parcours de soins) [2], en novembre 2019.

La Fédération est en outre un bon moyen de se former sur des points pratiques, utiles au quotidien, comme les moyens de se défendre face à une CPAM en cas de réclamation d’indus.

Au sein de la Fédération, vous occupez aujourd’hui le poste de secrétaire général au grand âge et à l’autonomie. Quelles sont vos missions et les dossiers que vous comptez porter ?
Nous devons tous nous mobiliser sur les questions gériatriques, ne serait-ce que parce que cela peut s’avérer lucratif pour la profession. Aujourd’hui, la gériatrie représente 50 % de l’activité des kinésithérapeutes libéraux, mais la profession s’y intéresse peu, et surtout elle n’est pas force de propositions. Le secrétariat que j’occupe se place dans le cadre du plan gouvernemental “Ma santé 2022”, car notre objectif est de formuler des propositions qui répondent aux principaux enjeux énoncés dans ce plan issu du rapport Libault [3] et du rapport El Khomri [3] sur l’attractivité des métiers liés au grand âge.

L’intitulé du poste, “grand âge et autonomie”, n’est pas anodin. Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que tout est à créer. À nous de proposer des solutions au gouvernement pour qu’il s’appuie enfin sur nous, et développe le trinôme kinésithérapeute-infirmier-médecin.

Mon autre mission est de mobiliser la profession en misant sur l’information et surtout la formation.

En quoi la question du grand âge est-elle un enjeu crucial pour la profession ?
C’est l’avenir. En 2030, il y aura plus de personnes âgées de plus de 65 ans que de jeunes de moins de 15 ans. Autant dire que les personnes âgées vont gonfler notre patientèle. La kinésithérapie leur apporte tellement ! Elle ne sert pas seulement à maintenir l’autonomie, elle permet également d’augmenter les capacités d’un patient. Aujourd’hui, les recherches scientifiques foisonnent dans ce domaine et nous avons une grande marge de progression pour concourir à l’autonomie des personnes âgées. Il faudra surfer sur la dynamique impulsée par Agnès Buzyn sur ce sujet. Le ministère de la Santé souhaite appliquer sur le terrain le programme Icope [4] de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour aller vers un “vieillissement en bonne santé”, en misant sur la prévention primaire, secondaire et tertiaire.

Si jusqu’à aujourd’hui nous pouvons reprocher aux gouvernements successifs de nous avoir oubliés, nous en sommes également responsables, car nous ne nous sommes pas fait connaître. C’est à nous de jouer maintenant.

De quels moyens disposez-vous pour défendre vos arguments ?
Le grand âge, la gériatrie sont des domaines qui m’ont toujours intéressé et que je trouve valorisants dans mon exercice quotidien, entre autres parce qu’on peut constater rapidement les progrès d’une personne. j’ai eu bien souvent des personnes âgées qui ne sortaient pas de chez elles et, après quelques séances, étaient à nouveau capables de monter les escaliers. J’entends apporter une expertise, des connaissances techniques pour construire les dossiers. D’ailleurs, nous n’avons pas attendu pour nous mettre à l’ouvrage puisque nous nous sommes rapidement emparé des rapports El Khomri et Libault pour émettre des propositions qui vont dans le sens de “Ma santé 2022”. Celles-ci ont été transmises au nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, et à plusieurs députés.

Ensuite, étant formateur à l’INK, je vais œuvrer à la transmission des savoirs. Je souhaite aider les professionnels à s’intéresser à la gériatrie, et à actualiser leurs pratiques auprès de leurs patients. Créer des vocations permettra d’avoir des kinésithérapeutes opérationnels, mais aussi d’autres professionnels de santé experts dans le domaine gériatrique, ce qui me paraît essentiel pour agir en amont.

Comment allez-vous poursuivre vos travaux ?
J’ai à cœur d’émettre des propositions qui soient concrètes et applicables sur le terrain. Je suis convaincu que de petites améliorations peuvent faire beaucoup. À ce titre, nous pourrions nous emparer du dispositif Icope pour proposer des solutions qui permettraient d’être “dans les clous” de la NGAP tout en luttant contre la problématique des réclamations d’indus. Aujourd’hui, les CPAM nous demandent de coter en AMK 6 (soit en entretien de la marche) au lieu de coter en AMK 8 pour une rééducation des 2 membres inférieurs, de la posture et de l’équilibre de la personne âgée, qui correspond à la réalité des besoins des patients et aux recommandations prônée par l’OMS.

Autre exemple : le gouvernement veut voir monter en puissance les soins à domicile, mais pour cela, il faudrait agir sur les forfaits de stationnement, qui représentent souvent un gros budget pour nous : à Toulouse, il faut s’acquitter de 250 € par an pour stationner quand on est professionnel de santé.

Ça ne donne pas envie de faire du domicile !

Je m’attacherai donc à proposer des actions simples pour répondre petit à petit aux exigences de santé publique. Le but : que ces actions soient utiles à la qualité des soins et qu’elles contribuent à améliorer la qualité de vie des professionnels de santé – autre ambition de “Ma santé 2022”.

Quels sont vos objectifs ?
Réussir à faire intégrer les kinésithérapeutes dans les plans nationaux grand âge et autonomie, et plus spécifiquement, aujourd’hui, dans l’application du projet Icope. C’est pour moi l’objectif principal. D’ici quelques semaines, il sera possible de télécharger gratuitement l’application Icope Monitor, en français, pour évaluer ses patients, repérer les fragilités et les orienter si nécessaire.

Mon autre objectif sera de créer et favoriser les actions de terrain pour permettre aux kinésithérapeutes de s’investir davantage dans le domaine de la gériatrie.

[1] Lire Ka n°1542 p.22-25.
[2] Lire l’article du 9 mars sur www.kineactu.com
[3] À télécharger en cliquant ici
[4] Le programme Icope est un outil pour mesurer les capacités intrinsèques de la personne âgée avec pour objectif d’améliorer la prévention de la dépendance.

© S.Conrard/Kiné actulaité

Commentaires :

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abonné n° à écrit :(114)
Les forfaits de stationnement ne sont pas le principal obstacle au déplacement des kinés. 2€ pour financer l'achat, l'entretien, l'assurance et le carburant du véhicule ainsi que pour rémunérer le temps passé sur la route, c'est juste de l'arnaque qui aboutit à ce que les kinés ne passent que 10mn (voire moins) avec leurs patients ou qu'ils arrêtent tout simplement les domiciles
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