Se former, s'informer, s'entourer...

Incontinence anale et kinésithérapie

Pelvi-périnéologie et ano-rectal

L’incontinence anale est la perte involontaire de gaz ou de selles, l’incontinence fécale est la perte involontaire de selles. L’incontinence anale est sous-déclarée : une personne sur 2 n’en a jamais parlé. Le retentissement sur la qualité de vie est majeur. L’incontinence anale en post-partum concerne environ une femme sur 5 selon les études  et les circonstances de l’accouchement.

L’incontinence anale peut être le fait de multiples mécanismes :
– capacité rectale insuffisante, entraînant des impériosités ;
– selles volumineuses et/ou liquides (diarrhées) ;
– problème de perception : la présence de selles ou de gaz n’est pas perçue, les mécanismes de continence volontaire ne sont pas mis en jeu (incontinence passive) ;
– système sphinctérien inefficace par cause traumatique, neurologique ou après chirurgie (cancer, hémorroïdes).

Une mauvaise vidange rectale majore les symptômes. En cas de constipation chronique, la constitution d’un fécalome entrouvre le canal anal et occasionne des fuites ou suintements, fréquent chez l’enfant ou le vieillard constipé, c’est la fausse incontinence.

L’incontinence anale peut être liée à la maternité, soit après un accouchement même par césarienne, soit après la ménopause. Les lésions sphinctériennes responsables d’incontinence anale sont souvent méconnues, non réparées. Les facteurs de risque sont le forceps, un gros bébé, une déchirure impliquant le sphincter anal. L’accouchement peut aussi entraîner une lésion de l’innervation des sphincters. Il y a un impact cumulé du vieillissement, des accouchements ultérieurs, de la ménopause et de la progression de certaines neuropathies.

Rarement isolée, l’incontinence anale fait partie d’un dysfonctionnement périnéal qui peut associer troubles du transit, incontinence urinaire, prolapsus rectal (la paroi interne du rectum descend dans le canal anal), rectocèle (la paroi rectale fait saillie dans le vagin), difficultés sexuelles, syndrome anxio-dépressif.

On distingue :

– l’incontinence anale : émission incontrôlée ou involontaire de gaz et/ou de selles ;

– l’incontinence fécale : émission incontrôlée ou involontaire de selles, liquides et/ou solides ;

– les urgences ou impériosités : délai raccourci pour aller à la selle ;

– le soiling : suintements ou salissures des sous-vêtements.

Une personne sur 2 souffrant d’incontinence anale n’en a jamais parlé à son médecin : le diagnostic est souvent tardif et repose sur l’interrogatoire.

La rééducation ano-rectale fait partie de la prise en charge des incontinences anales. Elle est associée à un traitement médical qui vise à régulariser le transit le plus souvent. Le kinésithérapeute intervient au sein d’une équipe multidisciplinaire (médecin généraliste et gastro-entérologue ou colo-proctologue). Le kinésithérapeute peut aussi évoquer le diagnostic lors d’un bilan de rééducation périnéale ou post-natale. Dans ce cas il en informe le médecin prescripteur avec l’accord de la patiente.

La rééducation ano-rectale aborde une partie du corps difficile à exposer pour le sujet et vise des symptômes sources de honte et de perte d’estime de soi. Le kinésithérapeute s’attache à respecter la pudeur de chaque sujet et sollicite le consentement éclairé pour chaque geste. Les règles d’hygiène sont mises en œuvre soigneusement pour l’examen et les techniques de rééducation.

La rééducation des incontinences anales est basée sur les résultats d’un bilan soigneux et précis permettant d’identifier le ou les mécanismes responsables. Le bilan comprend :

– un interrogatoire : ce temps d’échange  permet au sujet d’exposer sa gêne, au kinésithérapeute d’exposer le traitement envisagé et favorise l’installation d’un climat de confiance. L’intérêt de l’examen endo-cavitaire est expliqué ainsi que celui des techniques d’enregistrement des données. Pour le confort de l’examen, la nécessité de vider le rectum au préalable est expliquée au sujet, au besoin en recourant à des dispositifs d’aide à l’exonération (suppositoires à libération gazeuse ou mini-lavements). Le kinésithérapeute montre le matériel qui sera utilisé. Il évalue la sévérité de l’incontinence avec un score (score de Jorge et Wexner) ;

– un examen péri-anal pour rechercher les réflexes musculaires et les éventuelles anomalies ;
– un examen endo-cavitaire ano-rectal digital pour s’assurer de la vacuité rectale, évaluer la contraction/décontraction volontaire, l’intégrité et l’efficacité des muscles qui ferment le canal anal et la capacité du sujet à exercer une poussée ;
– un examen avec sonde double-ballons (fig. 1 à 3) précise le diagnostic. Cet instrument souple introduit délicatement ne génère pas de douleur et permet de mesurer objectivement la sensibilité rectale, le volume rectal, l’efficacité des muscles qui ferment le canal anal et la coordination recto-sphinctérienne. Le même outil permettra l’entraînement par biofeedback.

Sonde double-ballons après insufflation
Figure 1 :
sonde double-ballons
Figure 2 :
après insufflation
Sonde en place
Figure 3 :
sonde en place (bassin féminin)

La rééducation associe plusieurs modalités thérapeutiques :
– un abord comportemental qui comprend l’éducation thérapeutique, le recours à un calendrier des selles selon l’échelle de Bristol, des règles hygiéno-diététiques ;
– une rééducation globale avec abord de la sangle abdominale, de la respiration, de la posture, en cherchant à favoriser les co-activations abdomino-périnéales, massages ou automassages si le ventre est douloureux ;
– un entraînement de la sensibilité rectale consciente et du volume rectal par sonde à ballonnets, pour abaisser le seuil du premier besoin et augmenter la capacité à différer ;
– un renforcement musculaire des muscles du plancher pelvien et du sphincter anal, par techniques digitales et biofeedback, éventuellement électrostimulation, en développant la force, rapidité, endurance mais en privilégiant la qualité du mouvement ;
– un entraînement à la coordination recto-anale par sonde à double ballonnet, biofeedback sensori-moteur pour entraîner le patient à contracter dès qu’il perçoit l’arrivée d’un volume dans le rectum.

© H. Colangeli-Hagege

L’information et éducation thérapeutique du patient est indispensable. L’incontinence anale concerne une région du corps souvent mal connue. Le fonctionnement digestif est expliqué à l’aide de planches anatomiques.

Pour limiter les incidents le kinésithérapeute va guider le patient dans l’observance de son traitement médical et régime alimentaire. Les horaires des défécations seront planifiés en fonction des résultats du bilan. La priorité doit être accordée à la qualité de la vidange rectale : un rectum vide ne fuit pas.

Un auto-entraînement par exercices des muscles du plancher pelvien du sphincter anal est demandé quotidiennement, en privilégiant l’aspect qualitatif des exercices.

Monsieur A., 65 ans, est gêné par une incontinence fécale susceptible de survenir après avoir été à la selle, ce qui perturbe son activité professionnelle (repas d’affaire). Il est gêné par des impériosités pour aller à la selle survenant après les repas prolongés. Il observe bien le traitement d’antispasmodique (Mébévérine®) mais n’a pas osé recourir à l’Immodium® proposé à demi-dose si besoin.

Le bilan initial montrait :

– des réflexes faibles à la toux et à l’étirement, sans béance ;

– un sphincter anal externe faible surtout dans sa partie basse (anal ring), ne permettant pas de différer la vidange et de refermer correctement le canal après la selle ;

– une légère hypertonie du haut canal ;

– une poussée évacuatrice correcte ;

– un volume rectal insuffisant.

L’entraînement des muscles du plancher pelvien et du sphincter anal par techniques manuelles a guidé le patient dans son contrôle musculaire. L’entraînement par biofeedback avec sonde à double-ballons a permis l’apprentissage d’une contraction bien coordonnée avec l’abdomen. L’entraînement par insufflations a fait progresser le volume rectal. L’éducation thérapeutique a porté sur l’observance du traitement médical, l’auto-entraînement, et une planification des horaires des selles. 8 séances ont permis à Monsieur A. de retrouver une continence normale.

La rééducation ano-rectale de l’incontinence anale est réalisée par des kinésithérapeutes ayant acquis une formation spécifique théorique et pratique (comme celle délivrée par l’INK) et équipés d’un matériel adapté. La liste des kinésithérapeutes formés par les experts de l’ARREP peut être consultée par ville ou département après demande à l’adresse arrep@free.fr

Auteur : Hélène Colangeli-Hagege